Le contexte
Pourquoi une association d’aide aux victimes et une association d’aide aux auteurs de violences conjugales ont-elles décidé de coopérer et de former ensemble un premier «Pôle de ressources spécialisées en violences conjugales et intrafamiliales ?
C’est depuis 2005 à Liège, que la dynamique de coopération s’est d’abord installée entre le Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion et PRAXIS. Ces deux associations, issues d’horizons très éloignés, offraient des services respectivement aux victimes (depuis 1978 pour le CVFE) et aux auteurs de violences conjugales (depuis 1995 pour PRAXIS). Elles auraient pu s’affronter aux plans idéologique et déontologique, s’ignorer superbement, ou simplement co-exister.
Amenées à se côtoyer autour des mêmes tables de discussions à propos des violences faites aux femmes et des violences conjugales et intrafamiliales (des coordinations locales étaient actives, l’une à la Ville l’autre à la Province de Liège), les deux associations ont saisi les occasions de s’intéresser au contexte d’intervention de l’autre, prendre la mesure de son expertise, confronter expériences, analyses, approches et contraintes propres. Questionnements, perplexité, curiosité, intérêt s’y sont déployés. Tantôt avec enthousiasme, tantôt avec méfiance. Progressivement, face à un phénomène aussi complexe, transversal, transgénérationnel et multiforme, il leur a semblé pertinent d’initier une pratique de coopération intersectorielle dans un but circonscrit : mieux prendre en compte la sécurité, la sécurité des victimes d’abord, la sécurité de tous les membres du groupe familial exposé aux violences, ensuite.
Deux québécois ont ouvert la voie à la coopération intersectorielle à Liège : Denise Tremblay directrice de « La Séjournelle » une maison d’accueil pour femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants à Shawinigan, et Robert Ayotte, directeur de « l’Accord-Mauricie » un service d’aide pour hommes auteurs de violences conjugales à Trois-Rivières. Ensemble et avec l’appui du département de psycho-éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières, ils ont développé un modèle intersectoriel de coopération et nous ont fait partager leur grille commune d’analyse des mécanismes de violence conjugale, dénommée « Processus de Domination Conjugale ». Ils ont initié le déploiement de la coopération intersectorielle en Région wallonne.
Avec leur aide et avec la confiance et l’appui du Service Public Wallon, nous avons commencé à décloisonner certaines de nos interventions. Nous y avons trouvé du soulagement face à la solitude, la fatigue professionnelle, le sentiment d’impuissance qui guettent les intervenants spécialisés en violence conjugale. Nous nous sommes appliqués à nous-mêmes le slogan d’une campagne du pouvoir public fédéral belge à l’intention des victimes : « brisons l’isolement avant qu’il ne nous brise! »
Nous étions implantés sur un même territoire, nous traitions d’une même problématique à partir de deux réalités opposées, nous avions une expertise et des compétences propres, nous avions la conviction que nos pratiques pouvaient s’enrichir des pratiques de l’autre. Nous étions par ailleurs sollicités par d’autres professionnels soucieux de mieux comprendre et de mieux intervenir. Il restait à formaliser et défendre un projet commun.
C’est chose faite. A Liège d’abord, à La Louvière ensuite.